Quatrième spectacle présenté au Prix-Théâtre 13/ Jeunes metteurs en scène, « Boucherie Rythmique » écrit et mis en scène par Valentin de Carbonnières, questionne la question de la transmission, les liens entre modernité et tradition. Cette pièce pose une réflexion sur la déconstruction et s’appuie pour illustrer ce propos sur deux artisanats : la boucherie qui est un métier qui démonte – c’est la métamorphose du muscle en viande- et le Taiko, percussion japonaise qui est la seule à déstructurer le rythme. L’intrigue se déroule à la fin de l’adolescence qui est une période de déconstruction totale, celle où l’enfant se transforme en adulte.
Valentin de Carbonnières se forme à l’école Les Enfants Terribles et au Cours Florent avant d’entrer au Conservatoire National de Paris dont il sort diplômé en 2009. En 2010-11, il travaille avec Mathieu Bertholet au Théâtre de Gennevilliers et en tournée sur « L’avenir, seulement », et plusieurs monologues de Case Studie House. Cette année-là, il joue aussi dans « Le langue à langue des chiens de Roches » de D. Danis au Théâtre de l’Epée de Bois Au cinéma, il tourne dans « Pas sage » écrit et réalisé par Lorraine Groleau, diffusé sur Arte. Il travaille également sous la direction d’Yves Beaunesne dans « Pionniers à Ingolstadt », puis on le retrouve dans « Nina » de Roussin avec François Berléand et Mathilde Seigner, dans une mise en scène de Bernard Murat. Pour l’ouverture de saison au Théâtre du Rond-Point en 2014, il joue dans « Hétéro » de Denis Lachaud mis en scène de Thomas Condemine.
« Boucherie Rythmique » est sa première pièce et également sa première mise en scène.
Quelles ont été tes sources d’inspiration pour écrire ce texte ?
Je n’ai pas tout écrit : il y a plusieurs passages qui appartiennent à la littérature bouchère notamment « Le Boucher » d’Alina Reyes et « Bifteck » de Martin Provost. En fait je travaillais au Théâtre du Rond Point sur un spectacle. Le travail était difficile. Nous avions de grosses partitions. Pour rigoler, je n’arrêtais pas de répéter qu’il fallait que j’arrête ce métier et que je devienne boucher. Cette blague est devenue alors une espèce d’obsession et donc, en même temps que je travaillais au Rond Point, j’allais l’après midi, à EBP (Ecole de Boucherie de Paris) où je me faisais passer pour un journaliste pour pouvoir faire des interviews, travailler avec des élèves… Au bout d’un moment je leur ai que je n’étais pas journaliste, mais que je préparais un spectacle. Ils ont été encore plus avec moi. Parallèlement à cela, je fais des percussions depuis l’âge de six ans. Je suis passionné par cela. Je suis parti au Japon sur un coup de tête lorsque qu’un ami m’a annoncé qu’il partait là-bas. J’ai préparé ce voyage pendant deux mois et demi en prévoyant pour chaque jour des rencontres et des interviews. Quand je suis arrivé là bas, j’ai donc passé trois semaines à faire des interviews. J’ai rencontré des acteurs de kabuki, des acteurs de Nô… J’ai rencontré énormément de monde. Ma soif de connaissance était insatiable. C’était exponentiel. Et du coup j’ai rencontré la première femme joueuse de Taiko, un art du tambour japonais. C’était très émouvant car elle a été rejetée longtemps par ses pairs. Le Taiko est un art séculaire. Cela vient d’un mythe. C’est un art de musique et de danse, du mouvement. Le rapport entre le Taiko et la boucherie, c’est la transmission. Les formateurs en boucherie m’ont parlé de leur art en le comparant à celui de la musique. Tout est dans le geste. Leur parole a commencé à faire leur chemin chez moi. J’ai donc voulu parler de la transmission. Qu’est-ce que la transmission ? Qu’est-ce que l’éducation ? Mais il y a aussi le fait que le Taiko c’est avant tout une peau de bœuf. C’est donc l’élan d’un corps vers l’animal. Et la boucherie, c’est pareil. La Boucherie Française, c’est un art séculaire, comme le Taiko. Si on écoute le Taiko, on imagine tout de suite l’animal car on entend comme le bruit des sabots de l’animal.
Quel a été le processus de travail ?
L’organisation du travail a été très difficile. Il y a treize comédiens au plateau, ainsi que quatre joueurs de Taiko. Je voulais que les comédiens soient autonomes. Je ne voulais pas que les comédiens soient des marionnettes. Donc par rapport à la transmission, il fallait que j’ai un autre chemin avec les acteurs. Il fallait que j’ai un chemin qui soit très explicatif, très en empathie. Un chemin qui ne soit pas dans la dictature, qui ne soit pas dans l’humiliation, qui ne soit pas dans un rapport de metteur en scène à acteur. Je voulais être dans un rapport qui soit : « on avance main dans la main, ensemble, dans le brouillard » Comme dans un rapport amoureux. Par rapport à cette envie, j’ai donc choisi des comédiens forts, intelligents et bienveillants, non seulement envers leurs partenaires mais aussi envers le metteur en scène et les techniciens. Nous avons très peu de temps de répétitions, mais comme ils sont responsables d’eux-mêmes, en ce moment, par exemple, ils répètent sans moi. Autre exemple, s’ils ne veulent pas dire un truc que j’ai écrit, alors on discute et si leurs arguments sont bons, alors on enlève. C’est eux qui décident ce qu’ils disent parce que le jour J, c’est eux qui sont sur le plateau. C’est eux qui vont prendre tous les risques. Pour la mise en scène, je fais des propositions. Je laisse toujours la porte ouverte. Nombre de choses ont été trouvées par les comédiens, ont été discutées et validées.
Qu’est ce que tu attends du Prix Théâtre 13 ?
Ce qui m’intéresse, c’est d’essayer des choses. En fait je voudrais faire la Villa Kujoyama. C’est la villa Médicis au Japon. Je voudrais aller là-bas avec ce spectacle. Ce concours est un concours intéressant car il te permet d’éprouver ta volonté. Comme on débute, on n’a que notre amour du travail et notre volonté pour monter le spectacle. Il faut être débrouillard, convaincant. Et moi, je voulais éprouver ma volonté d’auteur et de metteur en scène.
Avec Anthony Audoux,
Pierre Carbonnier,
Guillaume Desmarchelier,
Jean Christophe Legendre,
Fabienne Lucchetti,
Sébastien Rajon,
Serge Riaboukine,
Toma Roche,
Paul Spera,
Éric Tinot,
Karim Tougui,
Lissa Trocme
le musicien Tsin Zhao
les chanteurs Armand de Carbonnière, Geoffroy
et le Paris Taiko Ensemble.
Vendredi 24 et samedi 25 juin 2016 à 20h
1h30 sans entracte
Théâtre 13 –Seine
30 rue du Chevaleret
75013 Paris. M° Bibliothèque –François Mitterrand (Ligne 14)
Réservation : 01 45 88 62 22