C’est le soliloque d’une femme, celui d’une chute lente, que Frédérique Keddari-Devisme a écrit et mis en scène aux Théâtre des Halles à Avignon. Une femme (formidable Elisabeth Mazev), en proie l’alcoolisme, raconte son mal de vivre, son inadaptation au monde. Un spectacle à voir pour la performance de l’actrice, un sujet peu abordé au théâtre notamment du point de vue féminin et la découverte d’une auteure.
Une femme se tient debout, face à nous, en pyjama. Elle a l’air de se réveiller. Mais non. Nous sommes en plein milieu de la journée. Son pyjama, c’est son habit de tous les jours, son laisser-aller. A sa gauche : un lit. En fond de scène : une table et une chaise. On croirait à une cellule de prison, ou à une chambre de bonne. Un endroit à la marge en tout cas. Une forme se dessine allongée dans le lit, sous les draps. La femme nous parle de sa vie, sa vie qui choie petit à petit. Rien pour freiner cette descente. Rien ni personne à qui se raccrocher. Pas même son mari qu’on croyait étendu sous les draps, alors qu’il ne s’agissait, en fait, que d’un édredon. L’alcool l’aspire. Inéluctablement. Le désir de se détruire est bien là. Irrépressible.
L’alcoolisme est un sujet grave et tabou qui touche beaucoup de femmes. Celle-ci, garante du foyer ne peut pas faillir. On se rend compte ici que la maladie n’est pas l’alcoolisme, mais bien autre chose. L’alcoolisme, c’est le symptôme d’un mal être très profond et tenace, chevillé au corps et à l’âme du personnage. En nous livrant le ressenti de celui-ci, c’est bien cela que l’auteure voulait pointer. Pour incarner ce rôle âpre et rugueux, il fallait une comédienne exceptionnelle. Elisabeth Mazev s’empare avec brio de ce texte dont certaines formules, fulgurantes, font écho profondément. La comédienne insuffle de l’humour et de la légèreté là où ça fait mal et c’est bienvenu. La mise en scène, sobre, met en avant le jeu de la comédienne par une direction d’acteur maitrisée qui alterne entre des mots susurrés propres à la confidence et la pleine exaltation. C’est l’actrice qui donne à voir le paysage : l’asile, la mer, l’Italie, les enfants…Même si la mise en scène souligne parfois le propos, comme lorsque la comédienne aligne des mignonettes à l’avant scène, la fougue de cette dernière nous emporte. L’important est le parcours du personnage qui, paradoxalement au sujet traité, nous laisse entrevoir la beauté du monde. Un très bon moment de théâtre.
A 90 degrés de Frédérique Keddari-Devisme
Mise en scène : Frédérique Keddari-Devisme
Avec Elisabeth Mazev
Lumière : Joël Adam
Du 6 au 29 juillet 2017 à 11h. Relâches les 10, 17 et 24 juillet.
Durée 1h10
Festival Off d’Avignon.
Théâtre des Halles
4 rue Noël Biret
84000 Avignon
Réservation : 04 90 85 52 57