Aller voir un spectacle au Théâtre équestre Zingaro à Fort d’Aubervilliers c’est accomplir une sorte de rituel. Le lieu est magique, habité, enveloppant par sa structure de bois, ses roulottes et ses écuries. Dans le chapiteau d’accueil, les décors colorés et les costumes semblent saluer le spectateur et l’inviter à la détente… Cette fois-ci ce sera un ragoût de viande accompagné d’une bière ! Le ton est donné et le cabaret de l’exil poursuit sa route en plongeant en cet automne dans les racines du folklore des nomades irlandais. Les Irish Travellers contrairement aux tsiganes (Zingaro signifie tzigane) sont des exilés dans leur propre pays. Ils ont issus d’une séparation qui remontrait au XVIIème siècle avec leurs compatriotes sédentaires. Il ne sont officiellement reconnus que depuis 2017 et semblent restés malgré tout les grands oubliés de l’histoire irlandaise. Fort heureusement, Bartabas, son théâtre et ses cavaliers ont décidé à leur manière de les mettre en lumière. Lorsqu’un prêtre en haut des marches accueille le public pour une invitation au voyage dans le pays du trèfle à trois feuilles et de la Saint-Patrick, nous ne savons pas encore vraiment à quoi nous attendre. Dans les gradins de ce superbe chapiteau de bois illuminé aux bougies, quelques tables rondes proposent une collation légère probablement un whisky irlandais au miel et à la cannelle… Des dindes et leur dindon au centre de la piste servent d’amuse-bouches avant que le noir ne se fasse… Continuer la lecture de CABARET DE L’EXIL / IRISH TRAVELLERS →
Alors qu’elle revient de la boulangerie, la fille de Christophe, 10 ans, trouve punaisé sur la porte de chez elle, un mot qu’elle donne aussitôt à son père: « Guerre et Paix : contrepèterie douteuse ». Christophe est gay et…papa. Visiblement ce mot est une forme de menace mettant en doute sa légitimité à être père. C’est alors l’escalade : succèdent au mot punaisé sur la porte, le dépôt d’excréments sur le paillasson puis, l’envoi de photos prises dans l’appartement mettant en scène des scénarii à tendance pornographique plus que douteux. Qui fait cela ? Qui en veut à Christophe, en veut à sa fille ? Est-elle en danger ? Tout en menant l’enquête, Christophe nous dévoile son parcours de vie, d’homme, d’homme aimant les hommes et son désir de paternité.
Artiste associée aux Hivernales-Centre de Développement Chorégraphique National d’Avignon, Nach, une des figures de proue du mouvement Krump, a présenté au théâtre 14, dans le cadre du Festival d’Automne, une conférence dansée. Le Krump est une danse née dans les années 2000 dans les quartiers pauvres de Los Angeles. En apparence agressive, elle est avant tout le moyen de revendiquer et de canaliser -de façon positive- une colère liée aux injustices subies par la communauté noire américaine. En 2005, David Lachapelle sort le film « Rize ». Nach, de son vrai nom Anne-Marie Van, le voit et pour elle, rien ne sera plus jamais comme avant.
Darius a 19 ans. Il est immobilisé. Lui, qui avait l’habitude de parcourir le monde, de partir loin, ailleurs, se retrouve seul avec sa mère. Comment alors lui redonner le goût des voyages, des lieux qu’il ne peut plus visiter, comment lui redonner simplement le goût de la vie ? Claire, sa mère, a une idée de génie : contacter l’un des plus grands créateurs de parfum pour faire revivre des odeurs qui ont marqué l’existence du jeune homme. Voilà le point de départ très original de la pièce Darius éditée en 2016 et écrite par Jean-Benoît Patricot et qui par l’intermédiaire de la correspondance, va se faire dialoguer sans jamais réellement se rencontrer, deux résiliences : celle de ce parfumeur Paul qui vient de perdre sa femme et celle de Claire qui craint de perdre son fils…Dans cette version à l’Essaîon, le metteur en scène André Nerman choisit de placer côte à côte les protagonistes face public, chacun avec son bureau, sa table, son univers et nous fait passer de l’un à l’autre par le truchement des lumières. Continuer la lecture de DARIUS / REPRISE→
Cahier d’un retour au pays natal est tout simplement l’un des plus grands chefs-d’oeuvre de l’écrivain et poète Aimé Césaire. Il fait paraître la première version en 1939 à l’âge de 26 ans sur son île natale, la Martinique. 4 ans auparavant, il devient aux côtés de ses amis Léopold Sédar Senghor ou encore Léon-Gontran Damas, l’un des « inventeurs » de la Négritude. Il continuera à nourrir ce magnifique poème durant presque une décennie, dans un contexte où les empires coloniaux comme la France domine le monde et où la notion d’inégalité des races va produire entre autres les puanteurs du IIIème Reich et montrer le visage d’une Amérique raciste et ségrégationniste à l’encontre de la communauté noire… Cahier d’un retour au pays natal devient alors une arme pacifique et nécessaire pour tenter de redonner de la dignité aux peuples noirs, prendre la défense des laissés pour compte, des bannis de la société, des mis aux bancs de l’existence ; leur donner l’espoir de se tenir debout et de marcher la tête haute vers un destin plus clément. Au delà de l’homme noir, c’est de l’humain dont il est question, Aimé Césaire part de ce qu’il connait le mieux, de ses racines, de son histoire pour tendre vers un humanisme universel. Son poème est d’une langue si belle, si poignante, si profonde qu’il faut une incarnation à la hauteur pour nous le faire vivre sur un plateau… Continuer la lecture de CAHIER D’UN RETOUR AU PAYS NATAL / REPRISE→