11h14…
Dans la salle du petit théâtre de la Colline se donne actuellement un spectacle des plus atypiques et des plus surprenants. Cela n’étonne pas vraiment si on a assisté à la présentation de saison où le conteur de cette performance, Sébastien Barrier, parle de son projet avec une telle verve audacieuse, un humour si espiègle et ravageur qu’on se dit que la chose risque de sortir de l’ordinaire !
Et pourtant c’est bien dans l’ordinaire, dans les petites choses, les rencontres en tournée, les racines des trois membres de ce trio original que le spectacle puise son inspiration. Mais ces récits de vie deviennent vite extraordinaires, magiques, troublants et touchants grâce à un coup de baguette verbale, de crayon noir sur un tableau blanc ou de musique rock… Dès l’installation du public, Sébastien Barrier discute avec les gens, démystifiant le rapport scène-public comme s’il ne fallait surtout pas prendre la chose au sérieux ; nous sommes entre nous semble t-il nous dire et il fait descendre la tension d’emblée en racontant leurs expériences avec les différents publics provinciaux ou parisiens auxquels ils ont eu à faire !
Le ton simple, direct, naturellement drôle et sincère de ce conteur pas comme les autres permet une proximité très forte avec le spectateur qui est prêt à écouter les incroyables histoires naissant de petits riens. C’est ainsi qu’on apprend que l’aurignacien correspond à l’arrivée des hommes anatomiquement modernes lors du paléolithique supérieur ! L’un des membres venant bien sûr d’Aurignac en Haute-Garonne où une grotte fut découverte ! On écoute les aventures d’un chat abandonné, celles d’un curé suicidaire ou encore celles de notre « hâbleur » longtemps coincé dans son personnage de pêcheur breton ! Evidemment, le pont culminant de tous ces événements se passent à la même heure, 11h14 !
Et ses anecdotes captivantes parce que drôles, burlesques, émouvantes sont retranscrites à sa manière par le second larron, Benoit, qui avec sa chunky charcoal (une craie charbonneuse d’un noir profond) dessine avec les mots qu’il entend des fresques sémantiques et surréalistes sur le fond blanc de la scène : leur grotte de Lascaux somme toutes ! Le musicien, Nicolas, accompagne les textes, de temps à autre, de ses envolées lyriques à la guitare électrique. Et comme on ne s’est jamais à quoi s’attendre de récit en récit, vient soudain un moment suspendu où Sébastien Barrier va chercher quelque chose derrière le plateau et ce quelque chose n’est autre que leur chat à tous les trois, Wee-Wee, trouvé en tournée et qu’il prend dans ses bras ! Et le matou, impassible, se laisse totalement faire ne craignant ni les lumières, ni le son de la guitare ni le public touché par ce moment de grâce. Et le voilà qui devient la star d’un instant, le quatrième compère nonchalant de cette troupe hors normes !
Cet incident volontaire symbolise en quelque sorte l’originalité de Chunky Charcoal qui se joue sur un fil de funambule et dont aucune des représentations ne sera semblable à celle qui la précède ou qui la suit. C’est un moment de partage unique et généreux parce que loin de toute prétention artistique, un ovni créatif et récréatif qui mine de rien nous renvoie à nous mêmes et à nos interrogations existentielles.
Un voyage initiatique, drolatique et teinté d’une poésie moderne à vivre ou revivre sans hésitation !
Chunky Charcoal
De Sébastien Barrier, Benoît Bonnemaison-Fitte, Nicolas Lafourest
Avec : Sébastien Barrier (Parole), Benoît Bonnemaison-Fitte (Dessins), Nicolas Lafourest (Musique)
Création lumière : Jérémie Cusenier / Son : Julien Le Vu / Régie générale et lumière : Chloé Gazave ou Jérémie Cusenier
Du 5 au 28 janvier 2017
Du mercredi au samedi à 20h30 et le dimanche à 16h
À noter que les mardis 10, 17 et 24 janvier à 19h, Sébastien Barrier proposera une performance solo inédite.
Théâtre de la Colline
Salle : Petit Théâtre
15, rue Malte-Brun, Paris 20e
Métro : Gambette (ligne 3 et 3 bis)
Réservations : 01 44 62 52 52 ou www.colline.fr
©Nicolas Joubard