Aller voir un spectacle au Théâtre équestre Zingaro à Fort d’Aubervilliers c’est accomplir une sorte de rituel. Le lieu est magique, habité, enveloppant par sa structure de bois, ses roulottes et ses écuries. Dans le chapiteau d’accueil, les décors colorés et les costumes semblent saluer le spectateur et l’inviter à la détente… Cette fois-ci ce sera un ragoût de viande accompagné d’une bière ! Le ton est donné et le cabaret de l’exil poursuit sa route en plongeant en cet automne dans les racines du folklore des nomades irlandais. Les Irish Travellers contrairement aux tsiganes (Zingaro signifie tzigane) sont des exilés dans leur propre pays. Ils ont issus d’une séparation qui remontrait au XVIIème siècle avec leurs compatriotes sédentaires. Il ne sont officiellement reconnus que depuis 2017 et semblent restés malgré tout les grands oubliés de l’histoire irlandaise. Fort heureusement, Bartabas, son théâtre et ses cavaliers ont décidé à leur manière de les mettre en lumière. Lorsqu’un prêtre en haut des marches accueille le public pour une invitation au voyage dans le pays du trèfle à trois feuilles et de la Saint-Patrick, nous ne savons pas encore vraiment à quoi nous attendre. Dans les gradins de ce superbe chapiteau de bois illuminé aux bougies, quelques tables rondes proposent une collation légère probablement un whisky irlandais au miel et à la cannelle… Des dindes et leur dindon au centre de la piste servent d’amuse-bouches avant que le noir ne se fasse… Continuer la lecture de CABARET DE L’EXIL / IRISH TRAVELLERS →
Darius a 19 ans. Il est immobilisé. Lui, qui avait l’habitude de parcourir le monde, de partir loin, ailleurs, se retrouve seul avec sa mère. Comment alors lui redonner le goût des voyages, des lieux qu’il ne peut plus visiter, comment lui redonner simplement le goût de la vie ? Claire, sa mère, a une idée de génie : contacter l’un des plus grands créateurs de parfum pour faire revivre des odeurs qui ont marqué l’existence du jeune homme. Voilà le point de départ très original de la pièce Darius éditée en 2016 et écrite par Jean-Benoît Patricot et qui par l’intermédiaire de la correspondance, va se faire dialoguer sans jamais réellement se rencontrer, deux résiliences : celle de ce parfumeur Paul qui vient de perdre sa femme et celle de Claire qui craint de perdre son fils…Dans cette version à l’Essaîon, le metteur en scène André Nerman choisit de placer côte à côte les protagonistes face public, chacun avec son bureau, sa table, son univers et nous fait passer de l’un à l’autre par le truchement des lumières. Continuer la lecture de DARIUS / REPRISE→
Cahier d’un retour au pays natal est tout simplement l’un des plus grands chefs-d’oeuvre de l’écrivain et poète Aimé Césaire. Il fait paraître la première version en 1939 à l’âge de 26 ans sur son île natale, la Martinique. 4 ans auparavant, il devient aux côtés de ses amis Léopold Sédar Senghor ou encore Léon-Gontran Damas, l’un des « inventeurs » de la Négritude. Il continuera à nourrir ce magnifique poème durant presque une décennie, dans un contexte où les empires coloniaux comme la France domine le monde et où la notion d’inégalité des races va produire entre autres les puanteurs du IIIème Reich et montrer le visage d’une Amérique raciste et ségrégationniste à l’encontre de la communauté noire… Cahier d’un retour au pays natal devient alors une arme pacifique et nécessaire pour tenter de redonner de la dignité aux peuples noirs, prendre la défense des laissés pour compte, des bannis de la société, des mis aux bancs de l’existence ; leur donner l’espoir de se tenir debout et de marcher la tête haute vers un destin plus clément. Au delà de l’homme noir, c’est de l’humain dont il est question, Aimé Césaire part de ce qu’il connait le mieux, de ses racines, de son histoire pour tendre vers un humanisme universel. Son poème est d’une langue si belle, si poignante, si profonde qu’il faut une incarnation à la hauteur pour nous le faire vivre sur un plateau… Continuer la lecture de CAHIER D’UN RETOUR AU PAYS NATAL / REPRISE→
Si vous n’avez jamais entendu parler d’Électre des bas-fonds de Simon Abkarian c’est que ne vous n’avez pas suivi la cérémonie des Molières de 2020, une cérémonie au goût étrange de la période ultra covidée où seuls les nommés étaient dans la salle ; ce soir-là ce spectacle a reçu le Molière du Théâtre public. Si vous n’avez jamais entendu parler de Simon Abkarian c’est que vous n’avez toujours pas suivi cette même cérémonie puisqu’il reçut aussi les Molières de l’auteur francophone vivant et celui de la mise en scène d’un spectacle de Théâtre public. Ou que vous ne l’avez jamais vu dans les nombreux films et séries où il excelle depuis des décennies après avoir été un enfant du Soleil chez Ariane Mnouchkine où il revient redonner cette salve de représentations. Il y joua les Atrides dans les années 90 ; il semblait tout naturel qu’il revint comme un écho prendre place dans ce théâtre mythique… Continuer la lecture de ÉLECTRE DES BAS-FONDS→
Un fil est tendu entre deux sommets de pyramides. Une femme est à un bout et va tenter de rejoindre l’autre extrémité : c’est la femme qui marche. Et entre ses deux points, elle va se questionner, questionner l’existence, prendre le fil de la vie pour tenter d’aller jusqu’au bout de ses rêves… Alexandra Seringe, comédienne, metteure en scène et auteure est seule sur le plateau du Théâtre Pixel avec son texte, son histoire, son for intérieur qu’elle va nous délivrer pas à pas durant une petite heure… Continuer la lecture de LA FEMME QUI MARCHE→
Depuis Soudain l’été dernier de Tennessee Williams, créé en 2009, la compagnie RL (René Loyon) n’avait pas monté d’auteur américain. Ou plutôt si, un peu en quelque sorte, par l’intermédiaire du festival Traduire/Transmettre proposé depuis plusieurs années au Théâtre de l’Atalante et avec lequel la compagnie RL est activement associée. Le but de cet événement : mettre à l’honneur la traduction et les traducteurs d’oeuvres théâtrales classiques méconnues ou contemporaines et s’interroger sur les problématiques de la traduction théâtrale. En 2016, ce sont les Etats-Unis qui étaient en exergue et parmi les textes choisis, celui de Naomi Wallace, Et moi et le silence, mis en lecture grâce à la brillante traduction de Dominique Hollier. Six ans se sont écoulés, durant lesquels le metteur en scène René Loyon et sa compagnie ont gardé en tête l’idée d’en faire un jour un spectacle. Les aléas dus au Covid ont repoussé la date initiale de création mais c’est désormais chose faite, la pièce a enfin pu être créée en ce début de mois au Théâtre de l’Épée de Bois. Continuer la lecture de ET MOI ET LE SILENCE→
Il est des spectacles qui vous prennent profondément aux tripes non seulement parce que le sujet qu’ils abordent évoque une période sombre de l’Histoire mais aussi parce que ce sujet même nous est raconté de la plus belle des manières. Berlin 33 est de ceux-là. Adapté du livre-témoignage Histoire d’un Allemand 1914-1933 de Sebastian Haffner, c’est René Loyon, l’acteur, qui défend seul sur scène ce texte magnifique en privilégiant la seconde partie, celle de l’avénement du IIIème Reich, du printemps à l’hiver 33… Continuer la lecture de BERLIN 33→
« Il faut avoir du chaos en soi pour accoucher d’une étoile qui danse »
Cette citation de Nietzsche répétée à maintes reprises dans le spectacle pourrait être le leitmotiv de la saga Psy Cause(s) que nous propose l’autrice er actrice Josiane Pinson depuis plusieurs années. La psy ou le psy sont-ils ceux qui nous aident à un tel accouchement et n’ont-ils pas eux aussi leur propre chaos à apprivoiser ? Après avoir brillamment et élégamment délivré elle-même sur scène les turpitudes et les méandres de la psyché féminine dans Psy Cause(s) 1, 2 et 3, Josiane Pinson s’intéresse à l’autre sexe.Et elle confie à l’acteur Alexis Victor le soin de mettre en chair les situations et les personnages qu’elle invoque dans le lieu sacré de toutes les confidences, de toutes les névroses et de tous les tabous : le cabinet d’un psy !Continuer la lecture de PSY CAUSE(S) LUI→
Le métro… Un trajet… Un voyage… Qui d’entre nous ne sait jamais posé mille questions sur son existence, sur ses amours contrariés, le temps d’un trajet de métro. Qui n’a pas fait défiler sa vie, qui n’a pas sonder les tréfonds de son âme, les turpitudes de son coeur, de son for intérieur en oubliant presque parfois de descendre à la bonne station. Une femme sans âge apparent, belle, droite, port de reine, est assise sur ce siège de métro ; elle a le temps du trajet, une petite heure, pour se dévoiler devant nous. Va-t-elle oser briser la glace ? Celle de son air un tantinet guindé, celle d’une apparence quelque peu froide qui semble garder secret un mystère, une chose inavouée…Continuer la lecture de UNDERGROUND→
Céleste c’est la nouvelle création de Geneviève de Kermabon. Céleste c’est « une fresque circassienne et marionnettique » qui semble se situer à la croisée d’un cirque nouveau et du cirque traditionnel ; qui convoque les souvenirs d’une époque pour mieux traverser celle que nous vivons. Il faut dire que cela fait quelques décennies que Geneviève de Kermabon roule sa bosse tout autour du monde, dans différents cirques, dans différents théâtres. Comédienne, metteure en scène, circassienne, trapéziste, acrobate, marionnettiste, dramaturge…. elle a autant de casquettes que l’outillage d’un couteau Suisse ! Et elle a collaboré avec le plus grands : Peter Brook, Bartabas, Philippe Adrien, Savary, Georges Wilson… Continuer la lecture de CÉLESTE→