Clara Luciani 6 @ Claudia Revidat

CLARA LUCIANI: UN MONSTRE DE TALENT!

Le 28 avril dernier est sorti le magnifique « Monstre d’amour », premier EP de Clara Luciani, auteure-compositrice-interprète qu’on avait pu apercevoir au sein du groupe La Femme en tant que guitariste. La voix chaude de la chanteuse nous entraine dans les méandres de la séparation amoureuse : textes remarquablement écrits, sons léchés et élégants. Les quatre titres du disque alternent entre lenteur et rythmes plus soutenus et laissent supposer que le talent de la demoiselle n’a pas fini de nous régaler. Rencontre avec une artiste moderne et pétillante.

L’ EP est très beau. Les quatre morceaux sont magnifiquement écrits. Il y a une vraie cohérence dans la composition de la musique. Par exemple dans la première chanson « Pleure Clara pleure » on a l’impression d’entendre une composition inspirée par Barbara.
J’adore Barbara alors je suis très flattée quand on me dit ça et à la fois j’ai du mal à accepter la comparaison. Sans doute parce que je l’admire trop. Elle fait tellement partie du sacré que c’est impossible pour moi qu’on me compare à elle.

Certaines orchestrations de ce premier titre font penser à un morceau de Camille St Saëns, l’Aquarium.
Ah oui ! A fond ! En fait je ne suis pas pianiste du tout. Les arrangements sont de Sage. Et je lui disais : « je veux des instruments qui pleurent ». J’avais envie que tout le monde pleure avec moi. On a mis également des violoncelles qu’on a un peu détuné. On avait vraiment envie qu’il y ait cette sensation, cette ambiance un peu dramatique, presque comme un film d’horreur. Ca a été un gros travail car à la base, il n’y avait que les accords que j’avais composés sur mon synthé chez moi. Ambroise Willaume alias Sage a hyper bien instrumentalisé tout ça. Je suis hyper contente. Après ca peut paraître un peu excessif, mais il y avait aussi la volonté, dans cette chanson, de vouloir ironiser mon goût pour le drame, les larmes. J’ai ce rapport à la tristesse – un peu universel dans doute – qui est, parfois, de se regarder pleurer et de trouver ça beau. Mais comme pour tous les sentiments les plus forts, cela nous fait nous sentir vivant. Et du coup, j’avais un peu cette dépendance à la tristesse, quelques mois après m’être faite quitter. Au moins je ressentais quelque chose. Je pense que la vraie tristesse, c’est comme Emma Bovary ; quand ça ne te fait ni chaud ni froid, que tu ne ressens plus rien. C’était un clin d’œil à ce moment de ma vie où j’avais besoin de raisons pour pleurer. Et cette chanson, c’est avant tout de l’autodérision.

Le deuxième morceau « Comme toi » est plutôt punchy…
Ah c’est le réveil !! Il faut reprendre des forces ! C’était important d’avoir un morceau comme ça dans l’EP pour annoncer aussi les couleurs de l’album. Parce que ce ne sera pas éploré et mélancolique. Et puis, c’est la vie : on a un passage à vide et puis après, il y a un passage où on reprend des forces.

C’est un sorte de ligne droite : on avance, on avance, on avance… Et puis, vocalement, tu montes à chaque fois d’une tonalité comme si tu montais des marches.
Oui c’est ça. Mélodiquement c’est un peu construit comme ça.

Après, ce second morceau, on a « Monstre d’amour »
Et oui, ce sont un peu les montagnes russes…

En fait, ton EP m’a fait penser à une sinusoïde, comme un électrocardiogramme. Ca monte, ca descend et puis ça remonte et ça redescend…
C’est marrant que tu dises ça parce que, à la base, je voulais que la pochette de l’EP soit l’image d’un électrocardiogramme ! L’image des battements d’un cœur…

Pour le morceau « A crever », les premiers accords de l’intro font un peu penser à la chanson « Les Portes du pénitencier ». C’est comme si tu étais dans une prison mais en même temps, on sent que tu veux tout faire exploser.
Au départ j’ai trouvé ces premiers accords et je voulais que le morceau soit construit là-dessus. Je voulais que ce soit une sorte de ritournelle dans laquelle on se sente un peu enfermé et qu’à un moment on ait envie d’en sortir. Que ça éclate. Cette chanson là, pour le coup, je l’ai vraiment écrite le jour où je me suis faite larguée. Je voulais vraiment que ça symbolise cet enfermement dans la douleur, dans la solitude et qu’à un moment donné, on pousse les murs et on sorte de ça.

Il y a un petit côté année 60 aussi…
Oui c’est vrai. J’ai toujours beaucoup aimé les années 60. Mais je me suis toujours dit que je ne voulais pas faire de pastiche. Je ne vois pas trop l’intérêt en 2017 de faire un morceau, dans le style des années 60. J’ai envie qu’on entende cette influence car je n’ai pas envie de dissimuler ce qui m’inspire, mais j’avais vraiment envie qu’il y ait une touche de modernité. J’aimerai qu’on n’arrive pas trop à dater la chanson. Qu’on dise que c’est quand même assez moderne et intemporel. C’est pour cela que j’ai fait appel à un garçon qui s’appelle Benjamin Lebeau qui joue dans les Shoes. Lui, il a ce côté électro presque punk. Il a vraiment dépoussiéré le truc. Il passe son temps à passer les sons dans les machines, à les saturer, à les détuner. J’avais vraiment besoin de sa patte pour être sûre de ne pas tomber dans un piège de « vintagerie ».

Ton écriture est assez romantique. Il y a une certaine exacerbation des sentiments. Quels sont les auteurs que tu affectionnes ?
Je commence à peine à m’ouvrir aux auteurs du XX ème et du XXIème siècle, mais j’ai beaucoup, beaucoup lu des auteurs du XIXème comme Flaubert, Stendhal. Flaubert ça a été une grande histoire d’amour. Du coup j’ai sorti une chanson guitare-voix qui s’appelle Bovary. Ce n’est pas à proprement parlé une chanson sur Emma Bovary, c’est plus sur le sentiment, le mélodrame bourgeois. Mais moi ce que j’aime le plus en ce moment dans tout ce que je fais, c’est écrire. A la base je voulais être écrivain. Ce n’est pas tout-à-fait la même chose d’écrire des chansons, mais en même temps je suis trop heureuse de pouvoir faire cela. Ca me permet de m’exprimer. Voilà, j’ai trouvé ma façon de m’exprimer. Ma voie et ma voix…dans tous les sens du terme.

 Est-ce que c’est la première fois que tu composes ; que tu as un projet personnel ? J’ai vu que tu avais joué au sein du groupe La Femme..
Oui. En fait je suis arrivée à Paris à dix-neuf ans et très vite j’ai rencontré et travaillé avec le groupe La Femme…Sur le moment, je me suis dit c’est vraiment trop cool, j’ai vraiment trop de chance mais d’un autre côté j’avais bien envie de chanter des chansons que j’écrivais et ne pas être seulement interprète. En même temps, je ne me sentais pas encore les forces pour entreprendre des trucs toute seule. Je me suis donc associée à un garçon qui s’appelle Maxime Socconiski qui est le frère de Soko. On a fait un projet tous les deux en anglais qui s’appelle Hologram. C’est plutôt un duo de dream-pop. Et puis les années ont passé et je me suis dit : « pourquoi est-ce que je me dissimule derrière l’anglais que je parle assez mal ? Ce serait quand même chouette de faire quelque chose en français… » tout en ne me sentant pas la légitimité pour le faire. Et puis il y a maintenant deux ans, je vis cette horrible rupture et dans la journée j’écris la moitié des chansons de l’EP. Ca m’a débloquée ! Ca a été le plus grand drame de ma vie et ma plus grande chance !

Qu’est ce que tu retiens de cette expérience au sein du groupe La Femme?
C’était un dépucelage ! Je débarque à Paris du fin fond de la province. J’ai dix-neuf ans et là on m’embarque dans une tournée avec un groupe presque punk. C’était fou ! J’ai des souvenirs incroyables. Par exemple, je suis à Londres en concert avec eux et Clémence m’apprend les paroles dans les loges. C’était un niveau de roots ! C’était incroyable ! Une fois que tu as fait ça, tu peux tout faire ! Et puis à la fois, j’étais tellement timide…C’était important pour moi de commencer la scène en étant dans une formation aussi riche…Sur scène on était sept. C’était à l’opposé de ce que je fais aujourd’hui. D’ailleurs, c’est tellement radicalement opposé que parfois je me retrouve à faire des concerts en guitare-voix toute seule. Est-ce que j’aurai eu le courage de faire ce que je fais aujourd’hui si je n’étais pas a passée par là, par cette étape de formation ? Dernièrement on était en concert ensemble au zénith. C’est assez incomparable ce moment de partage avec La Femme. Il y a un esprit de troupe. C’est hyper fort.

Donc tu continues à jouer au sein du groupe ?
En fait je n’ai jamais vraiment rejoins La Femme, comme je ne l’ai jamais quittée. Ce sont des invitations ; des apparitions presque. Et ca me va très bien car j’ai besoin de liberté pour faire mes créations à côté. Mais je les aime tellement que je suis toujours très contente quand ils m’appellent pour jouer avec eux.

Est-ce qu’il y aura une tournée suite à la sortie de ton EP?
J’ai une date qui est très importante pour moi. C’est le 16 mai au Point Ephémère à Paris. C’est la première fois que je vais être en tête d’affiche. Et c’est la première fois que je vois des tickets avec marqué dessus : « Clara Luciani ». Je suis comme une gamine ! Je suis tellement émue ! C’est l’aboutissement de quelque chose. Je vais être avec tous mes musiciens. J’ai envie que ce soit mémorable. C’est dingue, j’ai l’impression que c’est mon anniversaire ! J’ai trop hâte ! J’ai envie que les spectateurs prennent autant de plaisir que j’en prendrai ! Franchement je suis tellement émotive, je ne sais pas comment je vais faire pour ne pas pleurer de joie entre chaque chanson ! J’ai tellement rêvé de faire un concert comme ça ! Sinon je vais aller aux Francofolies en juillet et je jouerai à Montréal en août.
Et on commence à enregistrer l’album. J’ai très hâte, non seulement parce que je suis contente qu’il y ait une continuité à tout ça mais aussi parce que j’ai l’impression que c’est aussi un deuxième visage qui va être révéler ; quelque chose de plus solaire.

Monstre d’Amour de Clara  Luciani
Sorti le 28 avril 2017.

Titres:
– Pleure, Clara pleure.
– Comme toi.
– Monstre d’amour
– A crever.

https://fr-fr.facebook.com/claralucianimusique/

Crédit photo: Claudia Revidat

 

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