Chauve must go on !

Après avoir remporté le Prix Jeunes Metteurs en Scène du Théâtre 13,  il y a 3 ans, avec Ni Dieu ni Diable, Julie Duquenoÿ continue son aventure théâtrale avec une nouvelle création déjà donnée l’été dernier à Avignon, Le messie du peuple chauve. Là encore, elle collabore avec Augustin Billetdoux, auteur du texte éponyme édité chez Gallimard.

Un texte qui s’imprègne de l’actualité écologique et de la mutation de notre monde en partant d’un individu, Simon, qui perd ses cheveux. Cet avènement de la calvitie va le mener sur un chemin initiatique vers de profondes réflexions sur le sort d’un peuple et de la planète. Entourés d’autres chauves, il devient leur porte-parole jusqu’aux Nations Unies où ils vont tenter de défendre leur voix et leurs droits au milieu de ce cirque diplomatique.. Partant de l’infime et de l’humain, Augustin Billetdoux écrit une fable écologique, qui questionne sur la notion d’engagement et de prise de conscience d’une terre qui se consume à petit feu…

Julie Duquenoÿ va alors traduire d’une belle manière les enjeux que l’auteur soulève en mettant en lumière subtilement le message politique qui se lit en filigrane au fur et à mesure que l’action avance. Au départ, le focus est sur Simon assis dans l’obscurité, en proie à ses angoisses personnelles. Suspendues au-dessus de lui de part et d’autre du plateau, deux boules de papier mâché servent d’écran de télévision qui diffusent par intermittence des images de la Cop 21 (Fabius en pleurs) ou une interview de Mélenchon sur l’écologie ! Comme un miroir de l’actualité, ces planètes bis font office de boules de cristal sur le désenchantement à venir…

Le reste du décor, simple, constitué de chaises et de cubes va permettre de créer différents lieux et espaces où la troupe d’acteurs s’amusent à évoluer. Car dans leurs personnages bien concrets, il y a beaucoup de légèreté, d’humour, et d’absurde. Julie Duquenoÿ fait ainsi slalomer l’intrigue entre profondeur du propos et comique des situations comme la scène des clowns de l’ONU ou les hilarants jeux de mots sur la calvitie ! Cela donne l’impression d’un no man’s land théâtral où on va se perdre bien volontiers comme ce nouveau peuple revendicateur lui aussi se cherche et se perd.

Sans dévoiler l’issue, il y a ici un vrai message d’éveil des consciences que porte le spectacle à travers cette métaphore du crâne nu qui évoque le sinistre futur de notre planète si nous continuons à la maltraiter. Le spectateur est pris à témoin lui aussi, car nous sommes co-responsables de cette situation. Mais bien loin de donner des leçons, Le messie du peuple chauve n’oublie jamais la dimension humaine, la fragilité de l’Homme, sa tendresse parfois et son côté enfantin qui resurgissent soudain quand la volonté politique devient trop extrême.

On ressort à la fois conscient et intrigué de la salle comme si quelque chose de particulier avait changé dans notre âme, comme si le message se distillait à l’intérieur de nous : alors éveillez-vous et réveillez-vous car il n’y a plus que deux dates au Théâtre de Belleville !

Le messie du peuple chauve
Texte et collaboration artistique : Augustin Billetdoux
Mise en scène : Julie Duquenoÿ 
Avec : Ariane Brousse (en alternance avec Julie Duquenoÿ), Léa Dauvergne, Raphaël Mostais, Clément Séjourné, Pierre Vos, Damien Zanoly (en alternance avec François Deblock) / Création lumière : Julie Duquenoÿ / Création vidéos : Romain François-Marsal / Production : Corne de brume
Dimanche 12 mars à 20h30 et mardi 14 mars à 21h15

Théâtre de Belleville
Passage Piver, au niveau du 94 rue du faubourg du temple, Paris 11ème
Métro : Belleville (ligne 2 ou 11) ou Goncourt (ligne 11)
Réservations :  01 48 06 72 34 ou sur www.theatredebelleville.com
Crédit photo : © Corne de brume