Mais où est Faulkner ?
Dans la foulée de « Nous sommes repus mais pas repentis » de Thomas Bernard déjà aux Ateliers Berthier, Séverine Chavrier présente une autre de ses mises en scène en s’attaquant à un géant de la littérature américaine, William Faulkner. Elle choisit Les Palmiers Sauvages, recueil paru pour la première fois en 1939 avec ce titre mais qui des décennies plus tard reprend le titre que lui avait prédestiné son auteur : Si je t’oublie Jérusalem.
Les Palmiers Sauvages c’est la rencontre de Harry et de Charlotte; luI interne dans un hôpital, elle femme mariée, rebelle et artiste. Ils fuient le Sud pour vivre leur passion amoureuse absolue, dévorante… Et puis la panne arrive, leur relation fusionnelle se délite, Harry joue de manière perverse avec Charlotte, désemparée. Faulkner décrit ici avec toute la poésie et le lyrisme qu’on lui connait la passion dévorante et l’abandon qui mène à la destruction voire à la mort. Voilà pour tout metteur en scène un pari risqué, monter au théâtre de la littérature mais encore plus risqué lorsqu’il s’agit de Faulkner…
Alors voilà, même si ce spectacle est une adaptation du recueil, il n’en reste pas moins que Faulkner en est le principal absent. En voulant probablement rendre plus actuel le propos avec une incroyable débauche d’effet sonores et visuels et un décor surchargé, en réduisant et en supprimant des passages essentiels du livre, l’adaptation occulte la beauté, le lyrisme, le style superbe de l’écriture « faulknerienne ». Comme si seul le squelette de l’oeuvre était préservé mais pas sa chair ni son épaisseur. Certes, les acteurs sont bons, entiers, vivants. Certes, on ne s’ennuie pas, la mise en scène est enlevée avec des idées intéressantes comme cette symbolique du couchage où lits et matelas envahissent le plateau dans la première partie d’ardeur sexuelle et s’évaporent par la suite en devenant la prison de Harry…
Certes il y a un réel travail sur le son et l’image qu’il faut saluer (Severine Chavirer elle-même accompagne admirablement au piano le spectacle) mais l’ensemble de la scénographie noie le propos et brouille les pistes. Et puis la nudité crue, répétitive, et l’humour provoqué aux mauvais endroits n’apportent rien et apparaissent davantage comme des artifices que comme des pertinences. On peine à croire à la passion amoureuse comme à la destruction programmée du couple et du coup l’émotion ne nous parvient pas, pas plus que cette tragédie « à l’américaine » essentielle chez Faulkner… Bien dommage.
Les palmiers sauvages
D’après le roman de William Faulkner
Mise en scène : Séverine Chavrier
Avec: Séverine Chavrier, Laurent Papot, Déborah Rouach / Dramaturgie : Benjamin Chavrier / Scénographie : Benjamin Hautin / Son : Philippe Perrin / Lumière : David Perez / Vidéo : Jérôme Vernez
Du 03 au 25 juin 2016
Du mardi au samedi à 20h
Odéon-Théâtre de l’Europe / Ateliers Berthier
1 rue André Suarès / 14 boulevard Berthier, Paris 17e
Métro : Porte de Clichy (ligne 13)
Réservations : au 01 44 85 40 40 ou sur www.theatre-odeon.eu/fr