baryshnikov

LETTER TO A MAN

Le journal d’un fou qui aimait l’humanité…

Baryshnikov, Wilson, Nijinski… Voilà trois noms évocateurs, trois maîtres dans leurs disciplines qui laissent présager un bijou théâtral dans le bel écrin de l’Espace Pierre Cardin devenu salle principale du Théâtre de la Ville depuis le début des travaux, place du Châtelet. Voilà donc un seconde collaboration entre le grand danseur devenu acteur, Mikhail Baryshnikov et le grand metteur en scène Robert Wilson déjà à l’honneur cet automne avec le Berliner Ensemble (Faust et L’Opéra de Quat’sous). Après l’inoubliable The Old Woman où le danseur brûlait les planches aux côtés de l’acteur américain William Dafoe, il s’empare cette fois-ci, seul sur scène, du journal intime de son maître absolu, Vaslav Nijinski et demande à son ami Bob Wilson d’user de sa baguette magique pour dessiner les contours de la personnalité troublée de cette légende du ballet russe.

Letter to a Man s’inspire donc de ce journal intime de trois mois qui pourrait s’adresser de manière inconsciente à Serge Diaghilev son mentor de ballet dont il fut l’amant et qu’il quitta pour épouser Romola de Pulszky. Cette séparation le fait basculer petit à petit dans la folie, dans une schizophrénie où Dieu, son docteur, ses proches et ses références historiques et philosophiques s’invitent et lui soufflent à l’oreille. Ce journal magnifiquement écrit raconte son rapport à l’art, à l’amour, à la la religion et à l’humanité tout entière…

Et cette pensée qui suit un fil qui se distord au fur et à mesure ne pouvait que convenir parfaitement à l’univers fantastique de Bob Wilson qui adore partir dans l’inconscient et dans l’irréel pour sonder les tréfonds de l’âme humaine. Celle de Nijinski l’inspire tout particulièrement… Lorsque Baryshnikov apparaît en camisole, attaché à une chaise, ce n’est que pour mieux libérer l’esprit de Nijinski qu’il incarne et le mener vers un monde peuplé d’angoisses, de fragilités, d’empathie… Wilson crée alors pour Baryshnikov un écrin de rêve avec une succession de tableaux surréalistes, une oeuvre d’art vivante et mouvante qui envoûte.

Baryshnikov n’a plus qu’à exceller dans ce dédale fantasmagorique entre gouffres et forêt, église et scènes de music-hall, revenant à des moments précis sur sa chaise-prison à l’envers, suspendu comme si la réalité venait le rattraper fatalement. Il esquisse des pas de danse, décline des grimaces folles et profondes, joue la démesure et la chute du corps tandis que les mots nus, torturés, sensibles du journal sont proférés par des voix extérieures, celle de Bob lui-même et celle de  la chorégraphe Lucinda Childs.

Baryshnikov laisse alors étrangement place à Nijinski qui exulte à travers lui jusqu’à la démence la plus évidente mais cette folie reste humaine, emprunte d’amour et quelque part de conscience. Nijinski se savait devenir fou même lorsqu’il brisa un jour une chaise (comme celle du plateau) lors d’une soirée en Suisse comme pour briser ses chaines et s’évader à jamais… Wilson et Baryshnikov réussissent brillamment à mettre en lumière cette difficulté de l’être parfois même avec humour et sur des standards musicaux entraînants. Mais surtout, c’est avec la plus grande des délicatesses qu’ils nous montrent l’extrême sensibilité constitutive de l’âme de Nijinski dont la folie comme il le dit lui même : « c’est l’amour de l’humanité ».

Letter to a Man

inspiré de Diary of Vaslav Nijinski
Mise en scène, décors et conception lumières : Robert Wilson
Avec :  Mikhail Baryshnikov
Texte  : Christian Dumais-Lvowski / Dramaturgie  : Darryl Pinckney
Musique  : Hal Willner / Costumes : Jacques Reynaud / Collaboration aux mouvements & texte parlé : Lucinda Childs / Lumières : A.J. Weissbard / Collaboration décors : Annick Lavallée-Benny /Son : Nick Sagar, Ella Wahlström  / Vidéo : Tomek Jeziorski
Jusqu’au 21 janvier 2017
Du mardi au samedi à 20h30 / Le dimanche et le samedi 31 décembre à 15h / Lundi 26 décembre à 20h30 / Relâches : les 24 et 25 décembre 2016 et le 1er janvier 2017

Espace PIerre Cardin
(Théâtre de la Ville)
1 avenue Gabriel Paris 8ème
Métro : Concorde (Lignes 1, 8 et 12) ou Champs-Elysées Clémenceau (Lignes 1 et 13)
Réservations : 01 42 74 22 77  ou sur www.theatredelaville-paris.com
Crédit Photo : Lucie Jansch

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