Voilà, ils y sont…

Il est de groupes qui manquent à la musique française comme si quelque chose d’essentiel s’était évaporé, Matmatah est de ceux-là. Le groupe breton maintenait le suspens sur un éventuel retour après avoir sorti un album d’anthologie avec des inédits en 2015. Mais après ces neuf années sans nouvel opus, les voilà enfin de retour, un retour très attendu par leurs nombreux fans sur le qui-vive ; certains concerts étaient déjà complets avant la sortie même de l’album !

Et Matmatah a bien fait de revenir car Plates coutures est une pure réussite, un album enlevé, électrique, endiablé et qui surtout transpire par tous les pores cette époque troublée que nous traversons. Dès le premier titre, « Nous y sommes », le ton est donné : nous y sommes à ce moment charnière où l’humanité semble basculer vers le chaos, vers une « fin de civilisation » ? Où l’homme détruit l’homme et la terre dans son sillage… Constat pessimiste sur lequel le groupe nous propose de danser, peut-être pour conjurer le sort tout comme dans le titre suivant, « Lésine pas », qui toujours sur un rythme de guitare effréné, replace l’amour au centre du débat.

S’emparant de l’actualité brûlante, (et oui car il s’en est passé des choses depuis leur dernier album), Matmatah s’attaque « à la cervelle de moineau » des « petites frappes » qui détruisent le patrimoine mondial de notre humanité, autrement dit les fanatiques de Daesh sans jamais les nommer… « Marée haute », premier single, pourrait être inspiré par l’Affaire Cahuzac entre autres et tombe à point nommé avec l’affaire Fillon ! Un titre prémonitoire et réaliste sur l’intégrité et l’honnêteté des hommes politiques qui s’ébranlent elles aussi comme notre monde.

« Toboggan » calme la frénésie par des envolées plus lyriques et plus douces avant que « Retour à la normale » ne se mette à rugir de nouveau. Les médias qui en prennent aussi pour leur grade, l’égocentrisme, la perte de repère et une lueur d’espoir viennent conclure les derniers titres d’un album envoûtant, dansant et pensant à la fois ! La voix enveloppante de Tristan Nihouarn est toujours là, amoureuse des mots qu’il mitraille savoureusement à nos oreilles.

Plates coutures est une photographie sans concessions de notre époque et qui dans le même temps tente de nous donner les clés d’une porte de sortie. Une ode poétique et électrique qui se lit entre les lignes, frappe le cœur et l’esprit et tente de redonner du jus à ce monde qui se fane. En ce sens, Matmatah rejoint Voltaire dans son Traité sur la tolérance quand la nature dit à tous les hommes de se secourir, de s’éclairer, de se supporter les uns les autres : « J’ai mis un germe de compassion dans vos cœurs pour vous aider à supporter la vie. N’étouffez pas ce germe, ne le corrompez pas (…). Il y a un édifice immense dont j’ai posé les fondements de mes mains (…), le bâtiment tombe en ruine et de tous les côtés (…), demeurez avec moi en paix dans l’édifice qui est le mien. » À méditer…

Plates coutures
Sortie : 3 mars 2017
Tous titres : Tristan Nihouarn / Emmanuel Baroux, Eric Digaire, Benoit Fournier, Tristan Nihouarn sauf, « Entres les lignes » : Eric Digaire / Emmanuel Baroux, Eric Digaire, Benoit Fournier,Tristan Nihouarn et « Margipop »: Emmanuel Baroux, Eric Digaire, Benoit Fournier, Tristan Nihouarn
Editions Upton Park Publishing / La Ouache Production
Site officiel et dates de tournée : www.matmatah.com

Titres :

1. Nous y sommes
2. Lésine pas
3. Petite frappe
4. Marée haute
5. Toboggan
6. Retour à la normale
7. Ô ma beauté
8. Entre les lignes
9. Overcom
10. Margipop
11. Peshmerga