Quelqu’un va venir…
Le fils est une pièce courte écrite par Jon Fosse. L’histoire se déroule dans un village de la campagne norvégienne qui, peu a peu, se désertifie. Ne restent plus que deux maisons habitées dans le hameau, celle de l’homme et de la femme et celle d’un vieux monsieur un peu louche. Tant que chacun voit la lumière de l’autre maison allumée, en ces jours d’hiver, tout va bien. La pièce débute sur le vif d’une situation dans le foyer du couple. L’homme regarde à la fenêtre et se lamente du silence. Il ne se passe rien. La femme elle, vaque à ses occupations. Au fur et à mesure de la conversation, on comprend que le couple a un fils, que celui-ci n’est pas venu les voir depuis longtemps. Le malaise s’installe, intensifié par une atmosphère de fin des temps de plus en plus palpable. La tension monte. Le couple attend on ne sait qui, on ne sait quoi. Sans doute son fils. Tout devient alors étrange comme lorsque qu’on regarde un objet du quotidien à la loupe. Le moindre mot, le moindre geste semble décalé, hors contexte.
Le fils débarque enfin. Pas très loquace. Il ne répond à aucune question. Est-il vraiment leur fils ? Le suspens reste entier. Quant le vieil homme entre en scène, on sent que le drame qui couvait, va se dérouler irrémédiablement. C’est fatal. Même si on ne sait de quoi il retourne jusqu’à ce qu’il advienne concrètement.
Etienne Pommeret s’est entouré pour ce spectacle de comédiens absolument magnifiques, à commencer par Sharif Andoura dont le jeu, très fin, navigue entre l’angoisse, le comique, la suspension émotionnelle. Il lui suffit d’un regard, d’un demi-sourire, d’un froncement de sourcil pour exprimer tout un monde. Et c’est sublime. A ses côtés, Sophie Rodrigues n’est pas en reste. Elle campe une mère désarçonnée, qui essaie tant bien que mal de maintenir le cap. Elle a une véritable intelligence du texte et un instinct de jeu totalement bluffant. A eux deux ils tiennent tout le spectacle, insufflant de l’humour là où on ne s’y attend pas, révélant des facettes inattendues de l’écriture de Jon Fosse. De la dentelle.
La mise en scène quant à elle s’avère classique et très honnête. La scénographie à la fois ancrée dans la poésie et le réalisme quelque peu décalé, ajoute au sentiment d’étrangeté qui s’installe au fur et à mesure du spectacle.
A voir.
Le Fils de Jon Fosse.
Mise en scène : Etienne Pommeret
Avec Sharif Andoura, Sophie Rodrigues, Karim Marmet, Etienne Pommeret.
Scénographie :Jean-Pierre Laroche
Lumières : Jean-Yves Courcoux
Costumes : Cidalia Da Costa
Son : Valérie Bajcsa
Du 15 au 18 mai 2018 au TAPS / Scala. Strasbourg
http://www.taps.strasbourg.eu